Je travaille à transformer toute la théorie du langage, c'est-à-dire tout le rapport pensé entre le langage, la poésie, la littérature, l’art, l’éthique, la politique, pour en faire une poétique de la société. Cela passe inévitablement par le risque, ou plutôt la certitude, de ne pas être entendu sauf de quelques uns, étant donné l’établissement de longue date des idées reçues, établissement qui ne conçoit ces activités que séparées les unes des autres, comme le montre l’état du savoir, l’état des sciences humaines et de la philosophie, l’état de l’université. La théorie du langage, au contraire, est la pensée du continu et de l’interaction entre ces activités. On me dit que c’est difficile à comprendre et qu’il faudrait écrire pour le grand public. C’est d’une méconnaissance profonde de ce qu’a toujours été le travail de la pensée. Ce qu’on appelle le grand public n’est autre que l’effet social de tous les académismes de cet établissement, qui définissent leur horizon d’attente comme le territoire du pensable. Ce qui en diffère et qui s’y oppose est à la fois ce qui passe pour difficile et qui est aussitôt rejeté et mis au silence. C’est la réaction de ce que Péguy appelle une âme habituée. Rien de nouveau sous le soleil, puisque la pensée est une folie qui veut changer le monde, par rapport au maintien de l’ordre. Mais c’est le poème de la pensée.
Henri Meschonnic
29 décembre 2004
NB: Cette note a été rédigée pour le site de POLART et mise en ligne le 4 janvier 2005 à cette adresse:
http://polartnet.free.fr/textes/textes_polart/Note_sur_le_grand_public_(H._Meschonnic).pdf
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