En couverture dessin de Catherine Zask
Collection Cahiers d'Arfuyen n°189, 102 pages, ISBN 978-2-845-90148-3
11,00 €
Henri Meschonnic est mort le 8 avril 2009 – il y aura presque tout juste un an lorsque ce livre, son premier recueil posthume, paraîtra en librairie. Après Puisque je suis ce buisson(2001), Tout entier visage (2005), Et la terre coule (Prix de Littérature Francophone Jean Arp 2006) et De monde en monde (2009), Demain dessus demain dessous est le cinquième ouvrage d’Henri Meschonnic que publient les Éditions Arfuyen, témoignant de la fidélité d’une collaboration et d’une amitié à travers les années.
Gageons qu’avec le recul du temps, cette œuvre considérable par sa vigueur, son étendue et sa cohérence apparaîtra pour ce qu’elle est : un des monuments littéraires et intellectuels de notre temps. Les grands « intellectuels », les « maîtres à penser » ont disparu, entend-on parfois lamenter. Il y en avait un, ici, et de première grandeur : insolent, prophétique, intempestif. Les prophètes ne sont pas entendus, encore moins écoutés. Mais leur mort révèle le sens de ce qu’ils avaient dit. La postérité de Meschonnic est maintenant à l’œuvre.
De manière exemplaire, Henri Meschonnic a mené en parallèle un travail d’essayiste, de traducteur et de poète. De quoi être de tous côtés critiqué : car l’époque est aux spécialistes, aux hommes d’une seule pensée. Et Meschonnic en avait une à chaque minute, brillante, dérangeante, nouvelle. Dans le domaine de la traduction, Meschonnic avait entrepris une traduction de la Bible éclairante et novatrice. Mais surtout, surtout, Henri Meschonnic est l’auteur d’une œuvre poétique puissamment originale : nourrie de ses recherches théoriques, elle frappe pourtant par une écriture totalement libre et inspirée. C’est à la faire découvrir que les Éditions Arfuyen se sont attachées depuis dix ans. Elles continuent et continueront.
« tu es là et je suis là / les yeux fermés du bonheur / pour voir la vie / qui nous passe / demain dessus demain dessous / sans savoir où nous allons » C’est par ces lignes que commence ce recueil. On pense au merveilleux titre d’un recueil posthume de Guillevic : Présent. « tu es là et je suis là » C’est tout simple, et justement non. Nous lisons, et il n’est pas là – et il est là tout autant. Il nous parle tout familièrement, comme au soir d’une belle journée. Et non – ce sont des mots qui nous parlent, rien que des mots. Mais comment se fait-il qu’on l’entende dans ces mots comme s’il était là : la respiration, le ton, la pulsation exacte de la voix ?
Il y a cette magie dans l’écriture qui fait que la mort ne compte pour rien. Il y a cette part de jeu dans l’écriture qui fait que la mort n’est qu’une ruse, pour voir. Voir si on nous cherche, voir si toi aussi tu es là. Car « je suis là », cela ne veut rien dire s’il n’y a d’abord « tu es là ». Il n’y a de vie que dans le passage de toi à moi, d’hier à demain, et de demain à un autre demain. Nous n’en savons guère plus : il y a ce toi, ce demain. Emportés, écrasés par le flux, sans qu’on puisse jamais rien retenir. Sans ménagement la vie nous passe sur le corps. Temps, espace en déroute, sens dessus dessous. Mais aussi cette marche confiante, bras dessus bras dessous, dans l’inépuisable mouvement de la vie.
Texte © Editions Arfuyen
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